Présentez-nous votre fonds, 216 CAPITAL..
C’est un fond qui se prédispose en seed pour répondre à un besoin très local. Les startups qui ont réussi à lever des fonds en devises depuis 2013 (NDLR : mise en place du Startup Act) l’ont fait à partir des fonds étrangers. Nous voulons intervenir à ce niveau-là. Sur cette étape de pré-amorçage pour les aider à passer à l’international. On veut être le fonds qui va avec les entrepreneurs africains qui disruptent le continent africain.
Parlez-nous de vos dernières opérations : Globalement, qu’est-ce qui motive vos investissements ? Quelle est votre stratégie ?
Nous avons commencé à investir dès août 2022, à travers un fond de 10 millions d’euros. On est capable grâce à cette innovation dans la régulation tunisienne, d’investir dans des devises étrangères. On répond à cette problématique. La taille moyenne des tickets tourne autour des 250 000 euros. On ne regarde pas forcément le secteur mais on est très focus sur la technologie. On a effectué des investissements dans des secteurs très divers, dans l’e-health, la logistique, la fintech, l'énergie… Les deux dernières opérations ont été menées dans des start-up sénégalaises Logidoo et ProXalys. On a pu investir depuis août 2022 dans 15 start-ups de différents pays, mais aussi dans la diaspora, des porteurs de projets africains. On a financé leurs startups pour les aider à s'implanter sur le continent. Au total, on a investi 3 millions d’euros dans ces 15 startups.
Notre vision est de se positionner comme un acteur du financement en early stage pour ces porteurs de projet africains et de la diaspora et faire évoluer les écosystèmes tech locaux. Pour ce faire, on a notamment co-investi avec des fonds marocains, senegalais et pourquoi pas demain algériens et autres…
Justement, à quoi ressemblera l’écosystème tech africain ? Vous êtes donc un acteur de l'écosystème tech tunisien. Comment évolue-t-il ?
L'écosystème tech tunisien affiche des histoires de réussite. Pour la Tunisie, avec un peu de recul, cela a pris un peu de temps, mais il y a de la réussite, comme celle d’Instadeep, il y en a d’autres, des startups sont en train de se démarquer pas seulement par du branding mais par de très belles opérations financières. Cela veut dire qu’il y a des choses qui marchent. Si je devais brander la Tunisie je mettrais en premier ce pool de talent inépuisable. Les esprits sont conçus comme ça, dans la tech, l’analytique. D’ailleurs, les universités privées qui se développent en Tunisie sont en majorité dans la tech pour répondre à un choix des étudiants de s’orienter vers les formations technologiques. Quand on a un bon talent pool, il y a une grande probabilité d’avoir des personnes qui vont s’orienter vers l’entreprenariat et qui ont cette capacité et ce talent de créer des solutions. Il suffit de voir les statistiques : dans 90% des start-up en Tunisie, ce sont les CTO qui menaient la barque.
Il faut savoir que depuis 2013 et le Startup Act, on ne s’est pas contentés d’avoir une loi, mais derrière tous les mécanismes de l’écosystème sont soutenus les incubateurs, coworking space, et de plus en plus décentralisé, ils ne sont pas limités à Tunis, on a un écosystème extraordinaire à Sousse, à Sfax, tous très spécialisés. Malheureusement, les limites restent dans la réglementation, avec un pays qui reste très bureaucratique et des mécanismes qui datent des années 90, voire 80. Ils n’avancent pas au même rythme. Ce qui est un réel défi pour une startup. L’autre étant, le marché. Un pays de 12 millions d’habitants… Mais précisément, celles qui réussissent ne font pas de BtoC mais dans le BtoB, c’est là que les startups tunisiennes doivent s’orienter.
Plus globalement, comment se porte la tech made in Africa ?
Globalement en Afrique, nous avons beaucoup de start-up en early stage, mais au Nigeria, Kenya, Afrique du Sud, et Egypte: Les Big4, des pays plus avancés que les autres écosystèmes. Dans la globalité, il faut attendre encore quelques années pour voir les autres écosystèmes rattraper leur retard mais quelque chose de très intéressant est en train de se passer : les entreprises ont compris qu’il fallait sortir et explorer d’autres écosystèmes voisins. Ce qui se passe au Ghana, Rwanda où les écosystèmes sont en train d’émerger. Ce qu'il faut encourager à travers le financement notamment. Le challenge de l’Afrique est d’avoir sa propre infrastructure technologique, ses data center et autres, un prérequis. La deuxième chose, se dire que nous sommes dans un continent où il est possible d’aller chercher des opportunités à l'intérieur de ce territoire immense.
En tant qu’investisseur, qu’elle est la tendance : on assiste à une baisse globale des investissements dans la tech mondiale, et de même en Afrique après des années records. Comment les choses vont-elles évoluer et quel rôle peuvent jouer les fonds africains comme 216 CAPITAL pour mieux accompagner cet écosystème ?
Notre rôle, clairement, la solution c'est justement d’avoir des investissements locaux. L'Afrique est un continent. Il ne faut pas attendre un très grand investisseur africain mais avoir des consortiums d’investisseurs africains. C’est quelque chose dont je rêve, une solution un peu magique mais la tendance évolue vers cela. Cela va nous permettre de ne pas être complètement hermétique à ce qui se passe ailleurs. Le venture capital connaît des hauts et des bas, il suit des tendances qui ne sont pas maîtrisées localement, en tant que continent on ne maîtrise pas ces tendances ont les subit. En Afrique nous avons nos propos évènements, notre timeline, mais le financement qui vient en majorité de l’extérieur ne suit pas ce timeline, vient quand il veut et part quand il veut. Si l’on observe attentivement ce qui s’est passé en 2023, on voit effectivement une baisse de 28% dans la tech africaine. 400 startups financées c’est 50% de moins que l’année précédente. Ce qui est très révélateur. Des investisseurs, qui justement ne sont pas africains, sont venus, ont regardé un peu, ont misé sur une tendance, quand cet hiver du financement est arrivé, ils se sont dit que l'Afrique attendra. Qu'est-ce que cela crée en Afrique ? Quelque chose de perturbateur pour un écosystème en early stage. 80% des startups financées sont en early stage. Quand un financement s’arrête, le risque est de tuer ces écosystèmes. En revanche, ceux qui ont donné ces signaux positifs, ce sont les 50% locaux, qui ont investi dans les 400 startups financées. Il ne faut pas faire de rupture avec ce qui se passe dans le monde mais avec un écosystème composé en majorité d’africains et donc pas de suiveurs on maîtrise notre agenda. D’où notre volonté de multiplier le co-investissement, avec des fonds africains, leur focus c’est l’Afrique. Ma mission c’est l’Afrique. C’est sur cela qu’on doit se caler et ce sont ces statistiques qu’il faut regarder.