Vous avez inauguré le 23 mars, le premier accélérateur de croissance en Afrique, première implantation de la JFD en Afrique. Quel est l’objectif ?
Delphine REMY-BOUTANG : La JFD GABON est notre tout premier accélérateur de croissance en Afrique, en plein cœur de Libreville. Nous souhaitons y accueillir les femmes entrepreneurs, maillon fort du continent africain et le moteur de cette révolution digitale. C’est un lieu d’innovation, un espace d’échanges et d’émulation où nous mènerons des formations, organiserons des événements internationaux, des moments de networking et créerons des opportunités de financement pour les entrepreneurs à la recherche de fonds pour développer leurs projets innovants. Parmi nos objectifs : former 500 femmes et lancer 5 startups fondées par des femmes d’ici 2022 avec notre premier partenaire local, Comilog, groupe Eramet. Nous espérons aussi compter une gabonaise parmi les lauréates 2022 du Prix les Margaret de la JFD.
Dans quel cadre s'inscrit cette implantation en terre africaine ? D'autres sont prévues ?
Delphine REMY-BOUTANG : Progressivement, nous étendons notre présence locale en Europe et en Afrique. Notre mission est d’accélérer la croissance des entreprises tech portées par des femmes et de fédérer les acteurs publics, privés et médias pour bâtir des ponts, tisser des liens entre l’Europe et l’Afrique. Depuis 2013, nous construisons un réseau puissant panafricain et paneuropéen de femmes qui changent le monde, car seul on va vite, mais ensemble on va loin. Le JFD Club fondé en 2016 à Paris est un réseau de plus de 400 femmes influentes qui se retrouvent tout au long de l’année pour réseauter. Nous avons également de nombreux ambassadeurs dans différents pays africains et européens : Edith Brou en Côte d’Ivoire, Arielle Kitio au Cameroun, Joséphine Ndeze en RDC, etc.
Quel intérêt pour le Gabon ?
Camélia NTOUTOUME LECLERCQ : Avant de répondre à votre question, qu’il me soit permis de donner préalablement une définition de ce qu’est un accélérateur de croissance. Un accélérateur est un programme d’accompagnement à l’entrepreneuriat pour startups et les entreprises en phase de croissance. Intégrer un accélérateur, c’est intégrer un espace de coworking et un réseau d’entrepreneurs, d’intrapreneurs et d’experts.
Tout l’intérêt du Gabon est de consolider ses acquis et d’engranger d’autres espaces. Une étude de la Banque Mondiale, réalisée en 2018, révèle que le Gabon est le premier pays connecté au TIC en Afrique Centrale et de l'Ouest. Aussi, face à la montée en puissance du digital dans tous les secteurs d’activités, notre pays ne peut rester en marge de cette révolution technologique mondiale.
Abriter le premier accélérateur de croissance de la JFD en Afrique réside aussi dans la volonté du Chef de l’État, Ali BONGO ONDIMBA, de placer la femme au cœur de la croissance du Gabon et de réduire les inégalités hommes-femmes à travers l’instauration de la Décennie de la Femme.
Comment évolue l'écosystème Tech gabonais ?
Camélia NTOUTOUME LECLERCQ : Remarquablement bien ! En Afrique Centrale, le Gabon occupe la 1ère place dans le monde numérique. Il compte plusieurs startups numériques, des incubateurs digitaux, des entreprises et des agences de communications digitales. Nous sommes l’un des rares pays qui bénéficient d’un fort taux de pénétration en matière d’internet. C’est un atout très considérable. Devenu incontournable pour tout pays qui aspire au développement, l’outil numérique participe aujourd’hui à la bonne performance des services tous azimuts à travers le monde. En Afrique, plusieurs pays ont compris son importance et ont, immédiatement, pris le train de la technologie en marche. Au Gabon, depuis une décennie, les pouvoirs publics insèrent progressivement l’outil numérique dans les différentes administrations. Toute chose qui simplifie certaines démarches administratives grâce à la dématérialisation et réduit le temps de recherche d’informations : la digitalisation du service public est conçue pour permettre de répondre efficacement aux attentes des usagers.
Concernant les quelques failles que nous pouvons citer, il y a le besoin essentiel de sensibiliser les usagers sur l’importance de la digitalisation. L’encadrement des jeunes pour une utilisation rationnelle et rentable, éviterait considérablement les dérives constatées dans l’écosystème numérique Gabonais.
Concrètement comment cet accélérateur de croissance va fonctionner ? Quels services y seront délivrés ?
Camélia NTOUTOUME LECLERCQ : La JFD GABON fonctionnera d’une manière stratégique pour repérer, former, renforcer, réseauter, coacher, accompagner et créer une visibilité autour des jeunes filles, des femmes des secteurs public et privé. Nous disposons d’équipements numériques que nous mettons à disposition des femmes de notre accélérateur. Nous organisons des formations que nous menons ou que nous organisons avec nos partenaires. À titre d’exemple, avec notre partenaire média Gabon 24, nous avons organisé plusieurs formations dont la dernière qui a permis d’accompagner une quinzaine de femmes entrepreneurs dans la construction et le déploiement de leur stratégie de communication.
Pour conclure, pourquoi est-il important de connecter les femmes entrepreneurs digitales d'Europe et d'Afrique ?
Camélia NTOUTOUME LECLERCQ : Vous pouvez avoir le meilleur produit, développez le service le plus intéressant, mais si personne ne sait ce que vous faites, personne ne viendra acheter ce que vous proposez. Si vous-même ne savez pas vendre votre produit, personne n’aura envie de venir chez vous mais plutôt chez votre concurrent. A la JFD Gabon, nous préparons ces femmes à conquérir l’Afrique, mais aussi le monde car la JFD est internationale. On a une dimension panafricaine mais aussi pan-européenne. Notre plus-value est de permettre à ces femmes entrepreneurs de pouvoir affronter le monde de l'entrepreneuriat avec des outils solides : c’est ainsi que nous les mettons en lumière. On les connecte à d’autres femmes qui font la même chose dans d’autres pays et qui ont réussi. En somme, des femmes inspirantes. En outre, il y a des rôles modèles. Je m’explique : si quelqu’un a réussi et qu’il ne partage pas son expérience avec d’autres, c’est que sa réussite n’a servi à rien. Nous devons être des locomotives, nous devons tirer les autres vers le haut.