Quelle était l’idée à l’origine d’AWIEF ? Et comment la structure a-t-elle évolué ?
AWIEF a été crée en 2015. Au départ, il s'agissait de réunir des femmes entrepreneures dans le cadre d'une conférence afin de mettre en lumière des parcours féminins inspirants et servir de modèles aux jeunes qui aspirent à devenir entrepreneurs. Nous avons commencé à Lagos, au Nigeria. Face au succès de cette première édition, nous l'avons réitérée en Afrique du Sud, l’année suivante. J'ai réalisé que ces conférences intéressaient de nombreuses jeunes femmes qui n’ont normalement pas l'occasion de rencontrer des modèles de femmes entrepreneures et d'interagir avec elles.
AWIEF est ainsi devenu une plateforme pour rassembler les femmes, leur proposer un contenu de qualité et discuter des problèmes et des défis liés à la création, au développement et à la pérennisation d'une entreprise. Comment se former ? Acquérir des compétences commerciales ? C'est un premier pilier. Le deuxième est de savoir comment accéder au capital financier pour démarrer. Le troisième pilier porte sur le développement de son entreprise. Comment évaluer le marché pour votre produit ou service ? Le quatrième pilier consiste à créer un réseau pour apprendre de ses pairs, s'engager et se motiver ? A ces quatre piliers, il faut ajouter le plaidoyer pour l'élaboration de politiques en faveur de l’entrepreneuriat féminin. Nous sommes devenus une organisation panafricaine, à partir de 2017, pour apporter des réponses à ces défis que nous avons identifiés.
Véritable acteur de promotion de l'entrepreneuriat féminin, quels sont les programmes mis en place par AWIEF?
Nous travaillons actuellement avec l'USAID et la Banque africaine de développement (BAD), mais aussi l'Union européenne, qui finance, entre autres, un programme pour les femmes dans le tourisme et l'hôtellerie. Nos partenaires sont divers et variés, qu’ils s’agissent d’institutionnels, comme la Nedbank, ou la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), l’agence de coopération allemande, ou d’entreprises, comme Victoria’s Secret, engagées pour la cause des femmes. Nos programmes proposent des financements prêts à l’emploi et soutiennent les femmes en leur offrant la formation, le mentorat et le réseau dont elles ont besoin. Le Forum est donc devenu un lieu où nous rassemblons l'ensemble de l'écosystème entrepreneurial. Les participantes viennent y chercher des idées, des opportunités d’affaires, étoffer leur réseau et trouver des synergies.
Pourquoi avoir choisi Kigali pour accueillir cette neuvième édition ?
D’abord, nous avons choisi le Rwanda car c’est un pays d’Afrique de l’Est, et cette région fait référence aujourd’hui en termes de dynamisme. Ensuite, Kigali est un modèle pour l’autonomisation des femmes, source de croissance, et l'égalité entre les sexes dans le domaine du leadership et des affaires. Enfin, la capitale rwandaise dispose d'infrastructures de qualité pour accueillir ce type d’évènements. Par ailleurs, il n'y a pas de frais de visa.
Le thème de cette édition "Tirer parti de l'économie numérique pour innover, redéfinir les activités et renforcer les capacités des entrepreneurs". Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce thème ?
Il s'agit de tirer parti de l'économie numérique pour innover et repenser l’entreprise. Le numérique est un moteur de changement et une activité florissante. C'était déjà le cas avant la crise sanitaire et la pandémie de Covid-19, mais depuis, il est devenu omniprésent. Les entrepreneures doivent tirer parti des opportunités créées par le numérique. Par exemple, sur le continent africain, l'agriculture est pratiquée à 70 % par des femmes. Ainsi, dans les communautés rurales, elles pratiquent une agriculture de subsistance, mais elles ne tirent pas grand profit de leur travail, car la plupart des bénéfices se situent à l'extrémité de la chaîne de valeur. En utilisant la technologie numérique, elles peuvent augmenter leurs revenus. De même, dans les domaines de la formation, de la santé et de l'éducation. Nous voulons que les femmes puissent profiter de ces opportunités.
Concrètement, quelles solutions apportent le numérique ?
Prenez la question du système de paiement. Si vous voulez faire du commerce électronique sur le continent, vous avez besoin d'un système de paiement efficace et fonctionnel. Flutterwave, solution d'intégration et de dématérialisation des moyens de paiement créée par deux Nigérians et qui participe à l’évènement, génère des opportunités dans ce domaine. Voilà donc des solutions africaines aux problèmes africains. La fintech est en plein essor en Afrique.
Une dernière question : quels défis demeurent en matière de leadership des femmes et de leur autonomisation ?
Si nous parlons de l'accès au financement, il y a un écart de plus de 60 milliards de dollars entre les femmes et les hommes. Les choses évoluent mais ce n'est pas encore suffisant. Il existe un fossé numérique aussi qui doit être comblé. Les femmes n’ont pas accès aux mêmes formations, aux mêmes compétences que leurs homologues masculins. Nous devons donc continuer à faire pression pour que des changements se produisent. Je crois que c'est dans l'intérêt de l'Afrique. Lorsque les femmes sont soutenues et gagnent en autonomie, cela a un impact sur l’ensemble de la famille et de la communauté. Et de meilleures politiques sont adoptées quand les femmes sont impliquées.