Avec une première antenne ouverte à Casablanca en 2001, le Technopark n’a cessé de grandir avec l'ouverture récente de nouvelles antennes. Pouvez-vous revenir sur ce long parcours ?
Nous avons aujourd'hui vingt-trois ans d'expérience dans l'accompagnement des startups numériques au Maroc et nous venons d'inaugurer notre cinquième technopark à Essaouira, puisque nous sommes déjà présents à Casablanca, Rabat, Tanger, Agadir. Et bientôt dans trois autres villes : Fès, Oujda et Tiznit. Au début, nous offrions du “plug and play” dans nos locaux avec des prix spéciaux destinés aux startups. Aujourd’hui notre rôle est de les accompagner de bout en bout, jusqu'à l'accélération des programmes dédiés aux porteurs d’idées. Nous proposons des actions tout au long de l’année pour faciliter la croissance à travers quatre volets : l'accès au financement, l’accès au marché, aux compétences (le recrutement) et aux réseaux d’opportunités pour une meilleure visibilité, comme la mise en contact avec nos mentors clients par exemple.
Nous accompagnons aujourd’hui en permanence 450startups dans le domaine du numérique. Dont presque une centaine qui utilisent l'IA pour performer dans différents secteurs : l'agriculture, notamment pour la sécurité alimentaire, sujet qui concerne tous les pays africains, ou comment améliorer l'accessibilité au service de la santé pour les citoyens ? Et puis, bien sûr, l'éducation, l'employabilité. Et tous ces sujets qui rassemblent les enjeux pour le continent. J'ai plusieurs exemples de startups qui ont des solutions innovantes, notamment dans le sud parce que Agadir est reconnue pour son son écosystème agritech…
Pouvez-vous justement citer des exemples de startups marocaines qui se sont démarquées grâce à l’IA ?
Nous avons tous le même problème de stress hydrique en Afrique et c'est aujourd'hui devenu une préoccupation mondiale, mais je vois comment les startups arrivent à disrupter. A Agadir par exemple, des startups utilisent l’IA pour organiser les systèmes d'irrigation, les algorithmes pour prédire quelle quantité d'eau il faut prévoir. Ou bien combien de quantité d'engrais utiliser pour obtenir des produits de qualité ? Je retiens l’idée de PCS Agri qui utilise des algorithmes, l’IA et l'i OT pour mieux exporter la tomate marocaine vers des pays étrangers et qui arrivent à s'adapter aux exigences des clients en terme de couleur et de taille de la tomate. Je crois que cela peut se généraliser aux fruits rouges et à d'autres légumes. En ce qui concerne la santé, on a une très belle entreprise innovante marocaine Aba technology, qui a beaucoup aidé le pays lors de la pandémie. Grâce à l'IA et à la data, on a pu acheminer les vaccins aux 86 provinces marocaines dans des conditions idoines avec un taux de perte inférieur à 0,1%. Et je crois que nous étions parmi les premiers pays avec un très faible taux de rejet de ces vaccins. Aujourd'hui, cette entreprise opère dans plusieurs domaines, notamment l'agriculture, les villes intelligentes, parce que là, on parle d'écologie, d'énergie renouvelable, de services aux citoyens. Et donc cette entreprise aujourd'hui à travers l'IA, performe dans ces secteurs. L'éducation n'est pas des moindres, c'est un sujet qui nous concerne tous et le numérique est un levier important pour l'inclusion des jeunes. Justement des zones EMPL et aujourd'hui, avec l'intelligence artificielle, nous arrivons à adresser des programmes pédagogiques selon les spécificités de la population cible, ses besoins et donc on gagne en performance, en efficacité.
Alors que la Stratégie numérique 2030 se dévoile, comment se situe le Maroc dans l’adoption de textes législatifs sur le numérique?
Nous avons un attelage juridique qui est déjà opérationnel, notamment la loi sur la protection des données personnelles et la loi sur la cybersécurité. Nous avons fait l'inverse de la Tunisie qui a commencé par son start up act. On a mis en place les startups et par la suite nous avons travaillé sur notre stratégie numérique 2030. Le Maroc a fait des avancées notables dans l'implication de tous les acteurs du numérique. Notre ministère de tutelle, le ministère de la transition numérique a fourni un travail vraiment en profondeur pour la stratégie Maroc 2030 qui prend en compte les attentes de tous les acteurs marocains, qu'ils soient citoyens, entreprises et aussi administrations publiques. Plus de 90% du territoire aujourd'hui est connecté, bien évidemment, il reste toujours des problèmes de fracture numérique que nous allons améliorer avec nos opérateurs télécoms.
Concrètement, qu'est ce qui va changer pour le Technopark dans le cadre de ce tournant ?
De notre côté, nous avons une nouvelle feuille de route validée il y a un an, en décembre 2022. L’un des principaux axes est la régionalisation, c'est-à-dire assurer l’expansion technologique dans d’autres régions. Nous sommes sollicités partout jeunesse car la jeunesse est très portée par le digital. Elle veut entreprendre et a besoin de mécanismes de soutien et des infrastructures, des espaces professionnels et un accompagnement sur mesure.
Quand une startup évolue dans un accélérateur connecté au quotidien avec une autre structure, elle assure un taux de survie plus important qu’une autre qui évolue isolée. La vitesse de croissance n’est pas la même.
Sans perspectives, beaucoup de jeunes quittent leur région. Il faut créer de la valeur et tirer profit de leurs idées en les accompagnant. C’est un cercle vertueux. Toujours dans le cadre de cette nouvelle stratégie, nous avons signé avec notre ministère de tutelle, une convention permettant la mise en place d’un programme spécial d'accompagnement pour startups innovantes qui se démarque par son innovation ou pour sa croissance importante. Ce programme est composé par exemple des programmes Boost Up Lab ou Star (en amorçage) ou encore un programme accéléré pour celles qui sont en fin de parcours, puisque nous ne pouvons pas héberger une startup plus de cinq ans. Sur les 450 entités que nous accompagnons, nous avons l’objectif d’en sortir une centaine qui se démarquent vraiment.
Technopark Maroc a signé une convention avec la métropole de Marseille (sud de la France), en quoi consiste-t-elle concrètement ?
Oui nous collaborons de manière étroite avec Marseille Innovation, nous avons développé ensemble le service de soft landing et plusieurs entreprises marocaines en ont profité pour ouvrir leur antenne en France. Nous avons aussi co-accompagné des partenaires de la diaspora dans le cadre du programme Meet Africa 2, nous sommes vraiment très contents parce que les six startups de la diaspora sont aujourd’hui entre le Maroc et Marseille et c’est une vraie réussite, nous continuons bien sûr sur d’autres programmes. Le fait de créer des passerelles entre l'Afrique et l'Europe est aujourd'hui très important. Encourager cette collaboration inter-méditerranéenne aussi, cela crée la mixité, l'enrichissement et nous pousse à répandre de manière efficace, les défis mondiaux de notre continent.
Comment le Maroc prépare-t-il les jeunes générations à cette révolution numérique autour de l’IA ?
Nous avons des universités aujourd'hui qui ont des filières numériques et tout récemment, notre ministère de la Transition numérique a signé une convention avec celui de l'enseignement supérieur pour justement créer 144 filières technologiques pour préparer la jeunesse de demain. C’est l’un des quatre axes de notre nouvelle feuille de route. Créer plus de synergie, de connexion avec les université, les Agences nationales mais aussi signer des partenariats avec de grands comptes parce qu’on doit connecter la recherche universitaire au monde de l’entreprise. Aujourd'hui nous sommes en connexion avec les principales universités du Maroc, nous comptons 23 000 lauréats à former pour les trois prochaines années. Nous avons triplé le nombre initial. Et ce, pour suivre toutes les tendances en teck emergence, l’IA, le big data, le cloud computing, la réalité virtuelle ou augmentée. Parce que nous savons que 80% des métiers d’aujourd’hui vont disparaître dans les 20 prochaines années et donc le Maroc a anticipé.