C’est un sérial entrepreneur. Il aime rappeler qu'il y a aujourd’hui trois milliards de joueurs dans le monde, soit l’un des marchés les plus importants. Après plusieurs expériences réussies, Cross the Ages, un jeu de cartes de collection, à télécharger sur mobile, est “le projet de toute une vie”. “J’y ai mis toutes mes expériences passées, mes erreurs ainsi que mes réussites” explique Sami Chlagou. Lancée en 2020, l’aventure a vite attiré la curiosité des plus grands groupes : Amazon, Ubisoft… Soixante-dix investisseurs ont permis de lever 12 millions d’euros en un mois seulement.
Cross the Ages n’est pas qu’un simple jeu de cartes numériques NFT (non-fongible token). C’est une “IP”, une propriété intellectuelle avec une palette de créations qui forment tout un univers. Si le jeu a connu un rapide succès dans le monde, l’Afrique n’est pas en reste. “En un temps record, Cross the Ages a été téléchargé plus de 15 000 fois en Afrique du Nord” précise Sami Chlagou, dont les deux parents sont tunisiens.
Et de promettre une campagne de communication ciblée à destination de l’Afrique courant 2024. “Surtout avec un allègement du jeu pour qu’il soit moins lourd, moins vorace”. Et donc plus facile à télécharger, avec une faible connexion. Les Africains sont en effet très friands de jeux à télécharger sur téléphone mobile. Ils sont environ 272 millions à jouer sur smartphone, au Sud du Sahara, selon la GSM Association. Un chiffre qui devrait grimper à 475 millions, d’ici 2025.
“Nous ne vendons rien, c’est un système qui se nourrit”
Déjà président fondateur de Free Agent, à l’origine de la plateforme Rushongame.com, premier site de ventes privées de jeux vidéo, dont le chiffre d'affaires s’élevait à 10 millions d'euros, en 2019, il est aussi à la tête du studio Pixelheart, propriétaire de plusieurs dizaines de jeux. Sans oublier sa casquette de producteur de cinéma, avec un film primé (Stand, de Jonathan Taïeb, 2015). Autant d’entreprises qui génèrent beaucoup de flux et qui ont permis au PDG de monter la pharaonique saga.
Le jeu de cartes mêlant échecs et jeu de go assume “de ne pas être grand public mais plutôt de niche”. Il repose sur un système bien rodé. “C’est très dur de performer, de mémoriser et d’additionner, il faut une vraie réflexion et du temps d’anticipation. Les joueurs qui font ces efforts et prennent du temps sont récompensés par des cartes à valeur. Celles-ci sont ensuite vendues à d’autres joueurs moins actifs, mais davantage collectionneurs.” Un cercle vertueux adossé à la blockchain, qui met en lien ceux qui ont du temps et du talent et ceux qui ont de l'argent. “Nous ne vendons rien, c’est un système qui se nourrit” résume Sami Chlagou.
Marseille à l’honneur
L’autre particularité de Cross The Ages réside dans sa dystopie : une saga de science-fiction, divisée en plusieurs tomes. “Nous avons signé avec les meilleurs auteurs et artistes au monde un contrat d’une durée de dix ans. Ils viennent de Game of Thrones, Harry Potter…”. D’abord téléchargeables en version numérique, les livres ont, depuis, été édités par Hachette, en France, et traduits en quatorze langues. “On se demande à travers un récit fantastique, comment l'intelligence économique va contrôler le monde, avant même Chat GPT. On décrit une nouvelle technologie qui va échapper au contrôle humain. Qui anticipe et qui calcule… Un portrait loin d'être manichéen de notre époque. Nous assumons de proposer un jeu cérébral pour élever les gens et les inciter à lire”.
Cross the Ages permet aussi la mise en valeur de la cité phocéenne pour ce Marseillais d’adoption. “Nous habitions à Paris, mes parents se sont installés dans la cité phocéenne quand j’étais au collège”. Après un BTS informatique et une licence, Sami Chlagou rejoint le campus Luminy de l’école de commerce KEDGE. “Ensuite, je suis devenu intermittent du spectacle. J’ai notamment travaillé avec la production de la série, Plus belle la vie.” Après plusieurs expériences dans l’entreprenariat, il rencontre, en 2016, Richard Esteve, docteur en géopolitique, spécialisé dans la finance. Il deviendra le co-fondateur de Cross the Ages.
Aujourd’hui, la société emploie soixante personnes en CDI et travaille avec 110 collaborateurs. Dernier épisode de cette surprenante saga, le tournoi international d’e-sport qui s’est tenu à Marseille, les 9 et 10 décembre. “On compte transformer ce tournoi en festival annuel, toujours à Marseille où tout a commencé” prévient Sami Chlagou.