Proposer aux populations non bancarisées une solution alternative au crédit de consommation traditionnel
Avec un taux de bancarisation inférieur à 20%, pour 481 guichets et 499 DAB/GAB selon les données de l’UEMOA, l'inclusivité financière reste un défi au Sénégal. Le développement de la micro-finance, du mobile banking ainsi que des réseaux sociaux et de l’e-commerce apporte des alternatives aux populations marginalisées par le circuit traditionnel et des mécanismes de crédits à la consommation.
Une plateforme d'e-commerce qui s'adapte aux réalités et aux besoins locaux
E-tontine est une start-up créée en 2015 qui reprend le concept traditionnel de la tontine. Ce mode d’épargne très courant en Afrique de l’Ouest consiste à cotiser mensuellement, entre parents, amis, voisins, collègues, ou autres, pour financer un achat important (une voiture, une maison, un voyage, des frais de scolarité…), ce sans intérêt. A tour de rôle, chacun récupère l’argent cotisé. Le cycle se répète jusqu’à ce que chacun récupère la somme investie. E-Tontine reprend le même principe, mais en l’adaptant aux temps modernes, ainsi l’argent n’est plus remis en espèce mais via “monnaie mobile (mobile money)”, et en faisant appel aux réseaux sociaux.
E-Tontine permet de cotiser pour acheter du matériel informatique, de l'électroménager, de la vaisselle, du linge de maison, avec un paiement étalé sur plusieurs mois. C'est une solution alternative au crédit de consommation bancaire, dont les modalités trop complexes, ne sont pas adaptées à toute une partie de la population sénégalaise.
Le fonctionnement est simple : un abonné sélectionne un produit parmi ceux proposés sur la plateforme, le versement se fait à travers un service de transfert d'argent mobile. Tous les 10 jours, un tirage au sort est organisé pour livrer le produit pour lequel on a cotisé.
L'entreprise se rémunère sur la marge récupérée sur les produits vendus selon le modèle économique en vigueur dans l'e-commerce.
Un système d'épargne qui favorise l'inclusion financière
« Beaucoup de personnes dans nos pays ne peuvent payer comptant un réfrigérateur, un ordinateur ou encore une gazinière. Et pourtant, ils en ont besoin dans leur quotidien », souligne Fatou. « Avec E-Tontine, le coût de ces achats leur paraît moins lourd, et ils peuvent se procurer ce type de bien sans s’endetter auprès de leurs proches. »
Et si la crise résultant de la pandémie de Covid-19 et le confinement a ralenti les activités de la startup, aujourd'hui, elle reprend ses services, en les adaptant aux nouveaux besoins affichés. « Au début de la pandémie, nous avons continué les tontines, en organisant notamment des ventes de masques, pour permettre à la population de se protéger. Ensuite, nous avons dû arrêter. Pour ne pas prendre de risque, et ne pas mettre les abonnés en danger. Nous avons repris le 1er juin, en proposant de nouveaux biens, notamment des produits alimentaires, parce qu’actuellement, les consommateurs sont plus focalisés sur les besoins essentiels. »
Fatou Kiné Diop, Techwoman
Fatou KINÉ DIOP, 35 ans, est une entrepreneure née. Une vocation révélée par les aléas de la vie. La jeune fille doit interrompre ses études en classe de première, faute de moyens. Elle multiplie les petits boulots avant de développer son projet entrepreneuriale, qui lui sera inspirée par sa mère, une adepte de la tontine. Elle se lance en 2015, avec seulement 20 000 francs CFA. Fatou est lauréate du prix Linguére digital challenge de la Sonatel (2019).
Les chiffres
Le modèle e-tontine a connu un engouement rapide, dès son lancement, dans la banlieue de Dakar, avant de s'étendre au territoire national et à la sous-région. Les résultats 2018 :
- un chiffre d’affaire de 50 millions FCFA (soit près de 77 000 d’euros)
- 2500 adhérents au Sénégal, au Mali ainsi qu’en Mauritanie
- 3 000 membres, avec une forte majorité de femmes