Le 27 mai, le président français Emmanuel MACRON foulait le sol du Rwanda. Une visite historique venant sceller le rapprochement entre les deux pays, à l’issue d’un long processus de réconciliation.
Pour marquer cette nouvelle ère dans les relations franco-rwandaises, une série d’accords de coopération a été signée. Dans le domaine de la santé et de la lutte contre la Covid-19, du sport et de la formation notamment. Mais au-delà, un véritable fil conducteur du rapprochement se dessine autour du numérique.
« Ce sont 500 millions d'euros qui seront engagés sur la période 2019-2023 autour des grandes priorités de notre dialogue avec le Rwanda, en particulier la santé, le numérique, la francophonie » a annoncé Emmanuel MACRON. Soulignant par la même occasion que, depuis 2020, plus de 100 millions d'euros ont été investis, à travers l’Agence française de développement (AFD) notamment, pour accompagner les efforts de lutte contre la Covid-19 au Rwanda.
Faire du Rwanda un hub technologique régional
Parmi les projets initiés et en cours, tout un volet porte sur le digital et l’accompagnement des startups. Les deux chefs d’État partageant à la fois une vision, et une ambition, communes : faire du Rwanda un hub technologique régional pour le président Paul KAGAMÉ ; connecter la French Tech et investir dans l’écosystème technologique africain, et par conséquent dans la jeunesse, pour renouveler les relations Afrique-France pour Emmanuel MACRON.
Ce qui a déjà été initié à travers la création de Digital Africa, une initiative portée par le président français et destinée à accompagner l’écosystème technologique africain, et ce sur plusieurs volets : la formation, le soutien technologique et l’accès aux financements. Acteur incontournable de la scène technologique, Aphrodice MUTANGANA, Directeur des Opérations de Digital Africa, participait aux rencontres organisées dans le cadre de la visite de la délégation française.
« Il y a deux ou trois choses qui ont été initiées dans le cadre de cette visite, indique-t-il. Sur le volet entrepreneuriat notamment, il y a des entreprises françaises qui ont commencé à regarder et à s’intéresser aux startups rwandaises. L’une d’entre elles, pendant la visite, a échangé avec 4 compagnies rwandaises. L’entreprise va investir dans certaines de sociétés, les autres, elle va les acquérir. » Autrement dit, des actes très concrets.
« Le début d’un échange qui va certainement aboutir sur quelque chose »
Sur le plan institutionnel également, alors qu’il recevait une délégation de députés français, des échanges ont été menés sur le cadre réglementaire. « Les députés français également ont échangé avec des acteurs rwandais de l’écosystème technologique autour de la question “Qu’est-ce que l’on peut faire ensemble“, rapporte Aphrodice MUTANGANA. La conversation a donc été lancée à la fois sur le cadre d’affaires, l’investissement, les partenariats, mais également la recherche, etc. Le début d’un échange qui va certainement aboutir sur quelque chose ».
D’autant que, côté rwandais, l’intérêt est réel. « Quand tu es une startup et que quelqu’un vient pour t’accompagner, t’aider à grandir, c’est forcément positif, juge Aphrodice. Le marché rwandais est petit. Compte tenu de cela, les premières attentes des startups rwandaises, il faut le dire, c’est la recherche de financement. Ensuite, ce sont les partenariats qui vont les aider à grandir, à aller sur d’autres marchés. Et le troisième point, c’est l’expertise. »
Côté français, le Rwanda offre aux entreprises françaises une porte d’entrée sur le marché régional. L’Afrique de l’Est se positionne désormais en effet comme le poumon économique du continent, avec des géants régionaux, Rwanda, Éthiopie, Kenya, en termes de croissance mais également de développement numérique.
Or, à en croire Clare AKAMANZI, CEO du Rwanda Development Board (RDB), organisme public chargé d’accélérer le développement économique du Rwanda en s’appuyant notamment sur la croissance du secteur privé, son pays « est l’ endroit idéal pour implanter des entreprises françaises ». Cette dernière qui organisait, dans le cadre de cette visite officielle française, une rencontre entre des entreprises françaises et rwandaises, ne manque pas d’arguments pour illustrer son propos. « Le Rwanda se classe comme le deuxième endroit le plus facile pour faire des affaires en Afrique dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale, rappelle-t-elle. Lors de notre rencontre avec la délégation économique française qui accompagnait le Président, nous avons pu présenter les opportunités d'investissement dans plusieurs secteurs ».
« Les investisseurs français ont exprimé leur engagement à investir au Rwanda, en particulier dans les TICs »
Parmi ces secteurs, celui des TICs. Un secteur qui, soulignera-t-elle, n’aura pas été touché par la crise Covid-19. Au contraire, ce secteur a connu une augmentation des investissements pendant cette période. Et le Rwanda, qui a inscrit le numérique comme le pivot de sa feuille de route Vision 2035, entend bien renforcer la coopération franco-rwandaise sur ce volet. « Le Rwanda a l'intention de tirer parti des engagements pris au plus haut niveau et d'inciter les secteurs privés des deux pays à tirer parti de l'environnement propice et des opportunités inexploitées. Le Rwanda a présenté un large éventail d'opportunités économiques pour les investisseurs français dans plusieurs secteurs économiques stratégiques. Cela a commencé à porter ses fruits puisque les investisseurs français ont exprimé leur engagement à investir au Rwanda, en particulier dans les TICs. »
Au-delà des investissements, le volet formation professionnelle est également au menu des futurs échanges entre les deux pays. « L'un de nos objectifs économiques les plus importants est de créer des emplois significatifs pour nos jeunes. Notre stratégie nationale de transformation - NST1 - prévoit que 60 % des jeunes suivent un programme d'EFTP [Enseignement et Formation Techniques et Professionnels, ndlr] d'ici 2024, ce qui nécessite de créer davantage de centres de formation, d'équiper les centres d'EFTP en matériel et de disposer de formateurs qualifiés, souligne la CEO. Nous sommes donc désireux de développer des partenariats en matière de formation, de placement et d'investissements qui catalysent l'emploi. »
« Le Rwanda est un endroit idéal pour l'innovation »
Et d’ajouter : « Le Rwanda est également un endroit idéal pour l'innovation grâce à la qualité de ses infrastructures, son cadre réglementaire transparent et son environnement commercial favorable. Les entreprises françaises peuvent établir des projets de “proof of concept” (ou "preuve de concept" en Français) au Rwanda, en introduisant de nouvelles idées, produits et modèles d'affaires. Le secteur des TICs et l'innovation sont des domaines principalement visés.»
Sachant que d’autres coopérations existent sur ce volet de la formation au Rwanda, avec les Belges, les Allemands (à travers la GIZ notamment), etc. Ceci dit, pour Aphrodice MUTANGANA, les approches sont davantage complémentaires que concurrentielles. « Apprendre est un processus qui ne finit jamais, c’est un processus continu. Chaque pierre que chaque personne ou institution ou société amène participe à construire cet écosystème. Les besoins sont différents, il y a le volet formation, l’investissement… Le Rwanda avance mais si on peut avoir d’autres partenaires, on n’aura plus d’impact. Il ne faut pas oublier que notre continent est jeune : au Rwanda, 43% de la population a moins de 16 ans. Comment accompagner ces jeunes pour qu’ils s’initient, et ce, dès leur plus jeune âge, aux nouvelles technologies, pour qu’ils s’insèrent mieux sur le marché du travail et participent activement au développement de leur pays et du continent, c’est notre défi à tous. »
Le bureau de Digital Africa à Kigali : une “home“ pour les entrepreneurs
Une construction à laquelle Digital Africa souhaite également apporter sa pierre. « À travers le bureau à Kigali, il s’agira dans un premier temps d’offrir aux entrepreneurs africains un lieu pour se retrouver et échanger. Un “home“ pour les entrepreneurs, indique le Directeur des Opérations de Digital Africa. Plus largement, l’idée est de travailler en collaboration avec les entrepreneurs et les structures qui accompagnent ces entrepreneurs, identifier des sources de financements et accompagner les politiques publiques. C’est toute l’ambition du programme “connecteurs“. Nous allons identifier 15 connecteurs sur le continent, qui vont être un pont entre leur pays, leur région et Digital Africa. Du coup, quand on lance un programme dans un pays, il sera réellement dédié et adapté aux besoins locaux. Cela résume l’esprit de Digital Africa : l’idée est de venir soutenir des acteurs de l’écosystème existant, supporter ceux qui aident les entrepreneurs à avancer et avoir plus d’impact. »