Rendue publique avant la pandémie de COVID-19[1], l’évaluation par l’International Finance Corporation (IFC) des besoins du continent africain en compétences numériques a le mérite de dresser un constat sans fard de la situation : alors que 230 millions d’emplois requérant des compétences numériques seront à pourvoir en Afrique d’ici à 2030, seuls 690 000 professionnels du secteur sont identifiés aujourd’hui. Depuis, cette demande d’expertise digitale a certainement évolué à la hausse, compte tenu de l’accélération numérique constatée dans le contexte de crise que nous connaissons depuis maintenant dix-huit mois et dont les effets n’ont pas fini de se faire sentir. De ce point de vue, la pandémie de COVID-19 a permis de démontrer que les solutions numériques pouvaient rapidement, d’une part, résoudre nombre de défis - sanitaires (applications track and trace, solutions de télémédecine…) et éducatifs (mise en place de plateformes d’apprentissage numériques, évolution des pratiques pédagogiques à distance pour garantir une interactivité et le maintien d’un lien humain en période de confinement ) notamment – et, d’autre part, transformer positivement l’activité des entreprises de toutes tailles, pour peu que celles-ci sachent négocier avec succès leur virage vers le numérique.
La formation de talents tech, le nouveau défi à relever pour l’Afrique
Dans ces conditions, la formation de talents tech devient le nouveau défi à relever pour l’Afrique, si tant est qu’elle s’en donne les moyens. Existe-t-il aujourd’hui des formations aux compétences numériques ? Et plus en amont, y a t’il un dispositif solide d’enseignement des disciplines STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) et de sensibilisation à la nécessité de développer un esprit entrepreneurial à travers des pédagogies basées sur l’approche projets, prérequis fondamental au développement massif des compétences numériques ? Oui, mais certainement pas partout où cela serait nécessaire – 5 pays ( l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Maroc, le Nigeria et le Kenya) concentrent aujourd’hui 60% des talents numériques du continent – et certainement pas assez dans une logique de placement de compétences locales, si l’on en juge par le fait que 70 % des entreprises opérant en Afrique reconnaissent que le manque de talents sur place les forcent à recruter à l’international (données IFC).
De même, l’acquisition des compétences de base en recherche et en utilisation efficiente des logiciels disponibles a beau se développer, ainsi que les cours de codage, la réflexion n’en reste pas moins insuffisamment prospective sur ce sujet, pour anticiper les compétences, y compris humaines, qui feront demain la différence et qui sont souvent plus avancées – analyse de données, intelligence artificielle, développement des solutions B2B de masse pour l’industrie, créativité, pluridisciplinarité, approche systémique. Un constat corroboré par les résultats d’une analyse des besoins que nous avons menée avec notre partenaire Edtech Connections, et où il apparaît que ce sont surtout les formations aux “soft skills”qui manquent aujourd’hui aux entreprises pour pérenniser leur croissance. On l’aura compris, changer la donne prendra du temps.
La formation aux compétences numériques, l’une des priorités de Digital Africa
Dès lors, comment transformer le potentiel majeur que représente la jeunesse africaine en vivier de talents numériques pour le continent comme pour le monde ? Partant du constat qu’il n’y a pas d’Afrique numérique sans talents tech, nous - les équipes de Digital Africa - avons fait de la formation aux compétences numériques l’une de nos priorités. Un engagement reflété par Talent4Startups, un programme de soutien aux formations numériques, présenté lors du Sommet Afrique-France 2021, et mis en place avec Make IT et le soutien du gouvernement allemand. Cette initiative est avant tout au service de l’emploi, puisque son indicateur majeur de performance est le placement de ces boursiers au sein d’entreprises en quête de talents locaux.
Dans les faits, on parle de 250 bourses accordées à des jeunes sur une année, en collaboration avec 4 partenaires pédagogiques stratégiques pour atteindre un objectif fixé à 70% de taux de placement. C’est du reste l’ADN de ce projet, impulser une dynamique au service de l’impact : Talent4Startups a été conçu avec l’objectif de construire un référentiel dynamique de compétences en adéquation avec les besoins pour avoir davantage d’impact, tout en donnant aux écoles et aux organismes de formation dans le domaine du numérique des outils pour mieux évaluer l’efficacité de leurs programmes, sur la base de critères objectifs également intégrés au projet. Par ailleurs, notre initiative est panafricaine, puisque le programme doit s’étendre dans un premier temps sur douze pays, francophones et anglophones, clusters tech majeurs comme le Nigéria, le Kenya ou l’Afrique du Sud, mais aussi hubs intermédiaires comme le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Cameroun, la RDC, le Ghana, et le Rwanda.
« Partir des besoins exprimés par les acteurs du terrain pour proposer des programmes co-construits et apportant de réels solutions opérationnelles »
Plus fondamentalement, au-delà de la mise en réseau des bénéficiaires et des partenaires impliqués, qui est stratégique pour améliorer la qualité des formations proposées, notre philosophie consiste à partir des besoins exprimés par les acteurs du terrain pour proposer des programmes co-construits et apportant de réelles solutions opérationnelles. Le partage d’expertises et le retour d’expériences, dans une logique de communauté apprenante, est au cœur de notre approche. Ainsi la Resilient Summer School de l’été 2020[2], première étape du Campus Digital Africa, nous a-t-elle permis de structurer une méthode de mentorat, basée sur une logique d’apprentissage entre pairs pour accélérer les courbes d’apprentissage en confiance. De même, nous avons été particulièrement sensibilisés au fait que la technologie peut transformer durablement et positivement l’activité des entreprises plus traditionnelles de l’économie réelle, ce qui a inspiré notre futur programme ‘tech for non tech’ à destination spécifique de ces dernières. Parce que nous avons à cœur que chacun puisse profiter de cette transition numérique.
Au final, c’est pour mettre, demain, ces talents au service du développement économique de l’Afrique que nous devons nous impliquer et investir aujourd’hui. C’est pour permettre à l’Afrique, demain, de conforter sa place de hub mondial d’innovation tech appliquée et d’exporter toujours plus et toujours plus loin sa créativité numérique vers les autres régions du monde, que nous devons nous mobiliser aujourd’hui.
Faire de l’Afrique un vivier de talents numériques au service de l’économie réelle
Alors, faire de l’Afrique un vivier de talents numériques au service de l’économie réelle ? Oui, c’est possible et cela commence aujourd’hui.