Présentez-nous le projet Konza Technopolis.
Konza Technopolis est un technopôle localisé à environ 65 kilomètres de Nairobi. Initié en 2008, le projet a été lancé de manière effective en 2012 par le gouvernement kényan, qui considère celui-ci comme un investissement stratégique, capable de renforcer l’économie du pays basée sur les connaissances et sur les services innovants.
Pour capitaliser sur cette dynamique, mondiale, du passage à une économie de la connaissance, nous avons compris qu'il était nécessaire d'investir dans le développement d'une « ville intelligente », Konza Technopolis, dont l’ambition est de devenir le premier hub de développement et d'avancées technologiques d’Afrique de l'Est, si ce n’est du continent. Dans cette optique, nous procéderons en deux phases. La première étape consiste en la construction proprement dite de la ville de Konza, à partir de zéro. Cette séquence a de fait déjà démarré avec la mise en place de l'infrastructure horizontale (réseau d’eau, installations électriques, gestion des déchets…), nécessaire pour établir les fondations d'une ville intelligente. Ensuite, dans un second temps, nous allons apporter les aspects technologiques pour activer le dynamisme de la ville avec son écosystème d’entreprises innovantes, ses activités liées à la science et la recherche, ses établissements de formation… Tout sera fait pour que les start-up soient soutenues jusqu'au bout afin de leur permettre de se développer.
Dans quelle mesure cette initiative participe-t-elle à la promotion des STEM au Kenya ?
Nous souhaitons devenir un centre de talents où les gens pourront, grâce à l’actuelle transformation numérique, travailler depuis le Kenya, et ce pour n'importe quelle entreprise opérant dans le monde. En conséquence, nous cherchons à créer, via les filières STEM (acronyme anglais de Science, Technology, Engineering, and Mathematics, ndlr) universitaires, un vivier de professionnels qualifiés, en mesure de saisir ces opportunités de l'espace numérique, avec le soutien de Konza.
« Le KAIST sera axé sur la recherche, la science, la technologie et l'innovation »
Pour atteindre cet objectif, nous construisons une université de troisième cycle, appelée Kenya Advanced Institute of Science and Technology (KAIST), et qui sera axée sur la recherche, la science, la technologie et l'innovation. Conçu sur le modèle de l'Institut coréen des sciences et technologies avancées, le KAIST devrait de facto devenir notre premier centre de connaissances STEM national, avec des installations de recherche ainsi que des professionnels très expérimentés qui, idéalement, seront en mesure d'attirer les étudiants du Kenya et même au-delà, pour une recherche adaptée à notre environnement et surtout prélude au déploiement de nouvelles solutions commerciales. En amont, nous travaillons en partenariat avec le ministère de l'éducation pour établir le programme d'études, et bien sûr, avec notre université sœur, l'Institut coréen des sciences et technologies avancées. En tirant parti du numérique, il est du reste très probable que la formation commencera avant que l'infrastructure physique ne soit définitivement terminée, l’idée étant que la dynamique puisse s'enclencher dans les meilleurs délais.
S’agissant du KAIST, pourquoi avoir établi ce partenariat avec les Coréens en particulier ?
La Corée du Sud est l'une des économies les plus reconnues au monde en matière d'innovation et nous voulions apprendre d'eux. De ce point de vue, le gouvernement coréen nous a beaucoup soutenu et apporte aujourd’hui tant son soutien financier au développement du KAIST (les deux pays ont signé fin avril un accord selon lequel la Corée du Sud contribuera à hauteur de 85 millions de dollars à la création de l’Institut, ndlr) que l'expérience de son corps professoral pour s'assurer que le nouvel établissement mette en valeur le meilleur de l'apprentissage appliqué. C’est ce type d’apprentissage qui est le plus susceptible de générer des solutions pouvant impacter de manière concrète le pays, avec des produits et services adaptés.
« Les exemples venus d’ailleurs ne nous font pas oublier que nous sommes africains »
Mais au-delà de la Corée du Sud, d’autres pays collaborent également avec nous sur les différents projets liés à la nouvelle ville de Konza, qui est structurée autour de trois pôles d'intérêt stratégique, les Technologies de l'information et de la communication (TIC), l'ingénierie et les sciences de la vie. On citera notamment notre partenariat avec Israël, un autre géant en matière d'innovation- notamment dans le domaine de l'agriculture intelligente- mais aussi avec la Chine, son gouvernement nous ayant en particulier fourni des solutions propres aux villes intelligentes telles que les centres de données. Nous nous inspirons par ailleurs beaucoup de ce que fait la Silicon Valley californienne, et des avantages induits de son modèle économique. Autant d’exemples utiles venues d’ailleurs qui ne nous font cependant pas oublier que nous sommes africains : nous sommes la Silicon « Savannah » et à ce titre, nous cherchons à conserver notre originalité, en valorisant au mieux notre contexte continental.
Au final, dans tous les cas précités, l’innovation semble être le facteur clé du succès…
Absolument. L'Institut coréen des sciences et technologies avancées a joué un rôle important dans la commercialisation de l'innovation et de la recherche en Corée du Sud et des marques mondialement connues telles que Samsung en sont issues. Instruits de cette expérience fructueuse, nous avons lancé un programme que nous appelons « l'initiative de l'écosystème d'innovation de Konza » et qui nous permet de travailler en partenariat avec l'ensemble des parties prenantes à l’innovation dans le pays, à savoir les universités, les organisations de développement industriel et les citoyens. De la sorte, on pourra progresser sur deux fronts : le développement des compétences, en dispensant notamment une formation aux TIC, et la collaboration avec d'autres agences ministérielles pour informer les politiques et créer ainsi un environnement propice à la croissance.
« Au-delà de la promotion de l’innovation et des technologies, le rôle de Konza relève aussi du politique puisque nos efforts contribuent à réaliser les ambitions socio-économiques du pays »
Nous commençons du reste à voir certains résultats encourageants, avec des entreprises prometteuses qui se développent grâce aux efforts déployés par le technopôle. Davantage, au-delà de la promotion de l’innovation et des technologies, le rôle de Konza relève aussi du politique puisque nos efforts contribuent à renforcer un environnement propice au développement des compétences, et in fine à réaliser les ambitions socio-économiques du pays. Notre récent soutien au projet de loi sur les start-up (le « Startup Bill », promulgué en septembre 2020, ndlr) qui offre une série de mesures incitatives (mise en place d’une agence nationale de l’innovation, création d’entreprise facilitée, programmes d’incubation…) pour aider les jeunes pousses locales à passer à l'échelle dans leurs activités, en est une parfaite illustration.