Lorsque les résultats des examens nationaux de niveau ordinaire (épreuve académique organisée par l’État, au terme du premier cycle de l’enseignement secondaire) ont été publiés le 4 octobre dernier au Rwanda, sept des dix meilleurs élèves du pays étaient des filles. À commencer par la première lauréate, Françoise TUMUKUNDA, une jeune fille de 16 ans originaire de Nyamasheke (Province Ouest). La brillante élève poursuit aujourd’hui ses études de physique, chimie et mathématiques à la Gashora Girls Academy, l'une des meilleurs établissements du pays des Mille Collines, uniquement réservé aux filles.
Au regard de la composante importante accordée aux savoirs scientifiques dans les examens nationaux, Françoise est une parfaite illustration de la progression des filles dans l'enseignement des STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) au cours des dernières années. Selon les données du ministère de l'éducation, le nombre de filles inscrites dans les filières d’enseignement et formation techniques et professionnelles (TVET en anglais, pour « Technical and Vocational Education and Training ») - très « orientées » sciences - se chiffrait ainsi à 44 000 en 2019, contre moins de 30 000 en 2015. Quant aux filières STIM proprement dites, les étudiantes sont aujourd’hui plus nombreuses que leurs camarades masculins (46 000 contre 38 000 en 2019).
« Ces filles qui sont à l'école aujourd'hui deviendront des scientifiques, des techpreneurs et des ingénieurs »
Herine OTIENO, la directrice du programme de formation des enseignants au prestigieux Institut africain des sciences mathématiques (AIMS) de Kigali, se félicite de cette « tendance réjouissante », et pronostique « qu'à l'avenir, […] ces filles qui sont à l'école aujourd'hui [deviendront] des scientifiques, des techpreneurs et des ingénieurs ». Des résultats probants qui sont le fruit des efforts du gouvernement rwandais pour créer une éducation inclusive, accessible et abordable. De fait, au fil des ans, et par le biais de différentes mesures incitatives, le pays a investi dans l'éducation des filles en adoptant différentes stratégies pour relever les défis supplémentaires auxquels elles sont confrontées. Les mesures adoptées comprennent notamment des programmes tels que la "chambre des filles (Girls Room)", une pièce établie dans toutes les écoles, équipée de produits menstruels, de salles de bain, d'un lit, et qui offre des services liés à la santé sexuelle et reproductive. Ce dispositif permet ainsi de s'attaquer à bien des problèmes rencontrés par les filles, tels que les grossesses précoces, principalement dues à une mauvaise information sur l'éducation sexuelle. Chargée de programme pour la reproduction sexuelle à la Health Development Initiative, une ONG locale qui cherche à faire progresser la santé publique, Annet MWIZERWA estime que « ces incitations et ces installations ont considérablement aidé les filles » ajoutant que « la Girl's Room aide même les jeunes filles qui accouchent prématurément à retourner à l'école, au lieu d'abandonner leurs études ».
Des efforts collectifs pour faciliter l'accès des filles à l'éducation
Mieux, outre les efforts du gouvernement, différentes ONG et acteurs de la société civile se sont investis pour faciliter l'accès des filles à l'éducation, en particulier dans les filières STIM. En 2007 par exemple, la première dame du Rwanda, Jeannette KAGAME, a lancé une campagne scolaire de cinq ans pour promouvoir l'inscription et la réussite des filles à l'école, les objectifs comprenant notamment une amélioration des résultats scolaires et une augmentation du taux de rétention des filles. Près de quinze ans plus tard, le taux d'inscription des filles dans le primaire et le premier cycle du secondaire est supérieur à 98 %.
Il n’empêche, en dépit de tous les progrès réalisés, les filles rwandaises restent toujours confrontées aux problèmes de grossesses précoces tandis que nombre de normes sociales continuent de les empêcher d'atteindre leur plein potentiel. Depuis 2016, le Rwanda a enregistré 68 000 grossesses d’adolescentes et la majorité de ces filles-mères ne retournent pas à l'école. « Nous avons déjà des lois sévères punissant les délinquants sexuels, mais il y a encore des stigmates autour du viol, du détournement de mineur et des grossesses adolescentes. Les décideurs politiques devraient investir davantage dans l'éducation du public », juge Annet. Julienne MUKAYIREGE, responsable des questions de genre au Rwanda Education Board, considère pour sa part qu’il faut travailler avec « les associations de parents et les dirigeants locaux pour aider [les filles] à retourner à l'école tout en s’attaquant au problème des grossesses précoces ». Une manière de rappeler qu’au-delà de la réussite académique, les filles doivent encore surmonter l’ultime épreuve, le changement sociétal.