17 millions de dollars. C’est, selon les estimations du Ministère des Finances ougandais, ce que devrait rapporter en 2021 la nouvelle taxe sur les données mobiles, soit près de 4 millions de plus que l’ancienne taxe sur les réseaux sociaux qu’elle remplace depuis début juillet. Adoptée par le Parlement en mai, et qualifiée par le ministre des finances ougandais, Amos LUGOLOOBI, de « nouveau mécanisme [destiné] à aider le gouvernement à atteindre son objectif principal d'industrialisation pour une croissance inclusive […] », ce nouvel impôt numérique cherche en premier lieu à optimiser la collecte fiscale, dans un contexte de crise économique liée à la pandémie de Covid-19, qui a mis en difficulté les finances de l’Etat ougandais (18 milliards de dollars de dette publique à fin juin).
« Le gouvernement a tiré les leçons de l’échec de la précédente taxe sur les réseaux sociaux »
De fait, le gouvernement ougandais a tiré les leçons de l’échec de la précédente Over-the-top tax (OTT) sur les réseaux sociaux, mise en place en 2018. Avec la taxe OTT, les utilisateurs des réseaux sociaux étaient jusqu’à maintenant tenus de s’acquitter d'une somme quotidienne de 200 shillings (0,04 euros), les personnes souhaitant consulter WhatsApp, Facebook et Twitter (mais aussi des sites de rencontre comme Tinder ou Grindr) devant alors composer un code spécifique qui soustrayait automatiquement la somme due de leur crédit d’internet mobile.
Sauf que nombre d’internautes ont très vite contourné la mesure via des VPN (réseau privé virtuel) masquant leur localisation ; un tour de passe-passe appris en 2016 par les Ougandais lorsque le gouvernement avait tenté d’interdire l’utilisation des réseaux sociaux pendant les élections. Résultat, au second trimestre 2020, la Commission ougandaise des communications (UCC) estimait que moins de 60 % des abonnés à l’Internet mobile du pays (11,3 millions sur 18,9 millions) payaient effectivement la taxe sur les OTT, pour des revenus totaux (21,12 milliards de shillings, soit 5,7 millions de dollars annuels)très inférieurs à ceux initialement envisagés (135,21 milliards de shillings, soit 36,6 millions de dollars/an).
« La taxe sur le Mobile Money a généré deux fois plus de revenus que ceux attendus »
A contrario, la taxe sur le Mobile Money (0,5% sur les retraits d’argent), introduite par le gouvernement en même temps que l’OTT, a généré deux fois plus de revenus que prévus (104,75 milliards de shillings [28,3 millions de dollars] de juillet à décembre 2018 contre 54,75 milliards [14,8 millions de dollars] escomptés par l’État). Un succès dû tant à la très forte utilisation de l’argent mobile par les ougandais (88% des détenteurs de mobiles) qu’à l’absence de réelle alternative, comme dans le cas de la taxe OTT avec les VPN. C’est ce diptyque gagnant (forte clientèle captive et absence d’options crédibles) que cherche aujourd’hui à répliquer les autorités ougandaises avec le nouvel impôt sur les données mobiles, qui taxera directement l’achat des forfaits Internet, à hauteur de 12%. Avec ce nouveau dispositif plus contraignant, le gouvernement espère ainsi booster ses revenus, en contrôlant mieux les potentielles « déperditions » de recettes fiscales.
De leur côté, les internautes contestent cette nouvelle imposition qui vient grever leur pouvoir d’achat, dans un contexte socio-économique déjà difficile- un forfait à 1 Go de données mobiles coûte 15% du revenu mensuel moyen. Idem pour les entreprises, qui s’inquiètent par ailleurs des répercussions de cette taxe sur leurs affaires, dans une période de confinement où l’économie repose plus que jamais sur la digitalisation des canaux de vente. De fait, nombre d’analystes estiment que cette nouvelle taxe sur les données mobiles, non contente d’accroître les dépenses des entreprises, pourrait aussi limiter l’accès à internet à de potentiels clients. D’autant que cette nouvelle taxe fait elle-même partie d’une série de sept nouvelles impositions fiscales que le gouvernement veut appliquer. En attendant, tous les opérateurs mobiles n’ont pas répercuté la taxe de 12% sur le prix de leurs données mobiles, certains espérant encore que le gouvernement la ramène à 5%…