Le 11 juin, dans les locaux de Techfugees, dans le onzième arrondissement parisien, il soufflait comme un air de retrouvailles. Après une année d’échanges 100% virtuels, les Alumni des dernières promotions du programme #TF4WOMEN étaient invitées à une rencontre 100% réelle. Un plaisir que n’auront pas boudé les membres de l’association et leurs bénéficiaires. « Nous, on vous connaît mais on trouvait intéressant que vous vous connaissiez également », souligne en introduction Joséphine GOUBE, co-fondatrice et directrice exécutive de Techfugees France. Avant d’inviter les participantes à se présenter et à confier leur sentiment sur le programme suivi. « J’avais des difficultés quand j’ai commencé en 2018, parce que je n’étais pas à l’aise en français, mais ce programme m’a aidé, dans ma vie personnelle, et pas seulement pour trouver du travail. J’ai noué des amitiés. Je me suis sentie moins seule », partage Rouwaida.
C’est précisément l’idée : connecter les migrants. Et ce, au double sens du terme. « Techfugees a été créée en 2015 pour créer des solutions technologiques pour répondre aux besoins des réfugiés alors que l’opinion avait l’impression d’une arrivée massive de migrants, indique Ambre CERNY, Directrice adjointe (Partenariats & Juridique) de Techfugees France. Des bénévoles se sont mobilisés dans le monde entier, à Londres, Paris, Turin, Oslo, au départ en organisant des hackathons. Compte tenu de l’intérêt qui ne faiblissait pas, et pour avoir plus d’impact, on a décidé d’aller plus loin. »
« On met à profit notre réseau, mondial, Techfugees, pour mettre en relation nos Alumni avec d’éventuels employeurs »
Progressivement, l’association grossit et adapte ses activités aux populations qu’elle entend accompagner. En leur proposant notamment des programmes d’initiation aux métiers du numérique. Parmi lesquels, le Fellowship #TF4Women, un programme de réinsertion gratuit dédié aux femmes réfugiées, avec un suivi personnalisé dispensé par des mentors et formateurs. « On a commencé ce programme en 2018, et nous en sommes à la quatrième promotion, souligne Ambre. Il s’agit d’accompagner des femmes qui ont un statut de réfugié en France et en recherche d’emploi dans le secteur du numérique et de la technologie. »
Développement web, analyse de données, design UX-UI, cybersécurité, marketing digital… Un programme de six mois, ponctué de formation, mentorat, visite en entreprise… En vue d’acquérir des compétences technologiques et in fine décrocher un emploi. Sachant que, et c’est tout l’intérêt du programme, l’association connecte ses bénéficiaires avec les entreprises tech de son réseau. « On met à profit notre réseau mondial Techfugees pour mettre en relation nos Alumni avec d’éventuels employeurs. » Et d’ajouter : « La nouveauté cette année, annonce Ambre, nous mettons en place un programme tremplin, de trois mois de découverte de l’écosystème tech avec une cible plus large et ouverte à une quarantaine de femmes, invitées à suivre par la suite le programme #TF4WOMEN. »
Une initiative mise en place après évaluation des précédentes sessions. « Votre participation nous a permis de tirer des leçons pour l’évolution du programme, indiquera Alexis LEFRANC, Chef de projet du programme #TF4WOMEN, aux Alumni présentes. Ce programme permet aux participantes de développer des compétences numériques et d’entrer dans le monde professionnel, découvrir aussi les carrières offertes dans le secteur, à travers des rencontres avec des professionnels qui viennent parler de leur travail. Parce que pour développer un projet dans le numérique on doit connaître les métiers qui existent. »
« Quand on est une femme réfugiée en France, on se sent parfois seule. Avoir la possibilité de parler à une personne, c’est déjà un pas pour intégrer la société dans laquelle on vie »
Au-delà des programmes suivis, les Alumni intègrent une communauté qui continue de les accompagner dans leur démarche. C’est la mission de Fatami SALEH notamment, Coordinatrice de Communauté #TF4women France, qui a récemment rejoint Techfugees. « Quand on est une femme réfugiée en France, on se sent parfois seule. Avoir la possibilité de parler à une personne, c’est déjà un pas pour intégrer la société dans laquelle on vit. La communauté a été créée pour cela. » Une communauté qui se retrouve notamment en ligne. « Nous avons créé un compte Facebook, ajoute Ambre à l’assemblée. Quand on a des informations à vous transmettre on pourra ainsi le faire sur le groupe. Si vous avez besoin de recommandations ou d’appui, n’hésitez pas, on pourra recommander vos talents. Nous avons des partenaires qui recrutent !» Et pas des moindres : Google, la French Tech, Cisco, et autres figurent dans la liste des partenaires de l’ONG.
« Ce n’est qu’en construisant des outils éthiques, durables et duplicables, ouverts que nous pourrons apporter une réponse à l’un des plus grands défis de ce siècle »
Le modèle économique de l’association est également innovant. Si comme d’autres, Techfugees vit du mécénat, ses fonds proviennent de dons d’entreprises par ailleurs impliquées dans l’association à travers les formations et mentoring que leurs employés dispensent, avant d’être invitées, par la suite, à devenir les recruteurs des bénéficiaires des programmes. Une réponse pragmatique à la question des réfugiés. « En 2050, la Banque Mondiale estime que nous serons 143 millions de personnes à travers le monde à avoir été déplacées à cause du changement climatique. Nous n’avons plus le temps d’être POUR ou CONTRE la migration, juge l’association sur son site. Il est l’heure de s’adapter et de se préparer. Ce n’est qu’en construisant des outils éthiques, durables et duplicables (à plus grande échelle) ouverts que nous pourrons apporter une réponse à l’un des plus grands défis de ce siècle. »