2020 aura été une année record d’investissements dans l’AgriTech et la FoodTech au niveau mondial. Les startups de la technologie agroalimentaire ont ainsi levé 11,6 milliards de dollars de financement en 2020. Et la tendance devrait se poursuivre en 2021. Y compris en Afrique. Alors que 2021 connaît une résurgence des crises en matière de sécurité alimentaire, l’AgriTech apparaît plus que jamais comme une alternative. Une approche suivie au Maroc, entre autres.
Le défi de l'agriculture, que ce soit au Maroc ou dans les autres pays africains, c'est de produire plus, mais aussi de produire mieux.
Alors que la digitalisation de l’agro-industrie figure d’ores et déjà au cœur des enjeux de développement du secteur au Maroc, un important producteur continental qui fait office de référent à travers son Plan Maroc Vert mis en place en 2008, le Royaume accélère sa transition numérique à la lumière des leçons tirées de la crise Covid-19. « Nous avons vu, dans le monde entier, les étalages des supermarchés se vider pendant la pandémie faute d’approvisionnement. Au Maroc, nous n’avons pas connu de pénurie, parce que nous produisons localement » soulignait Moulay Hafid EL ALAMY, le Ministre marocain de l'Industrie, du Commerce et de l'Économie Verte et Numérique qui a dédié, le 8 juin, « ses RDV de l’industrie » à l’agro-industrie.
Pilier essentiel de l’économie marocaine, le secteur agricole représente 20% du PIB et 40% de l’emploi total (dont 80% en zones rurales). La filière assure un revenu direct ou indirect à 15 millions de personnes (soit plus de 40% de la population du Royaume). Reste, reconnaît le Ministre, que pour encourager les acteurs locaux à penser et produire « local », il faut les aider à confronter les défis que rencontrent le secteur. Pour Faissal SEHBAOUI, directeur général d'AgriEdge, une Business Unit de l'écosystème de l'Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) de Benguérir (75 km au nord de Marrakech), « le défi de l'agriculture, que ce soit au Maroc ou dans les autres pays africains, c'est de produire plus, en tenant compte de la croissance démographique, mais aussi de produire mieux, en réduisant le gaspillage des ressources naturelles et en protégeant l'environnement pour une production durable ».
Inspirer la future génération d'entrepreneurs du pays
Ce qui se passe notamment sur le volet digital. Une démarche entreprise par Impact Lab. Début mai, cet « accélérateur d'innovation africain » comme il se présente, lançait le programme d'accélération « Launchpad Agritech », destiné à accélérer la mise sur le marché de startups AgriTech marocaines, mais aussi à inspirer la future génération d'entrepreneurs du pays. Ce, pour adresser les enjeux clés du secteur tels que l'agriculture durable, la sécurité alimentaire ou la création de richesse dans le monde rural.
« Nous sommes convaincus que le Maroc a le potentiel de se positionner en tant que hub d'innovation majeur dans le secteur agro-industriel en Afrique. Pourtant, l'écosystème des startups AgriTech au Maroc reste encore faible, et les opportunités d'innovation dans le secteur sont peu connues » explique Salma KABBAJ, co-fondatrice et Directrice Générale d'Impact Lab.
Présent en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest depuis 2015, Impact Lab accompagne, d’un côté, des startups africaines qui souhaitent accélérer le développement de leur projet ou leur développement commercial, et, en parallèle, les entreprises et les institutions publiques qui prennent conscience de l’importance de l’innovation pour leur compétitivité et souhaitent par conséquent s’engager dans une dynamique d’innovation. C’est dans ce cadre que le programme «Launchpad Agritech» a été lancé.
Un programme dédié aux solutions innovantes de la chaîne de valeur agro-industrielle
« C’est un programme dédié aux solutions innovantes de la chaîne de valeur agro-industrielle, indique Salma KABBAJ. Avec trois objectifs. Le premier, sensibiliser les aspirants entrepreneurs aux opportunités de création de valeur sur cette chaîne de valeur. Souvent les entrepreneurs n’ont pas en tête l’impact et les usages de ces nouvelles technologies dans ce secteur et ont une vision encore très traditionnelle de l’activité. » À cet effet, des outils de sensibilisation sont mis à leur disposition pour les initier et les familiariser à ces nouvelles technologies. « Deuxième objectif, accompagner une dizaine de startups marocaines dans le lancement de leur projet à travers un programme intensif de six semaines à la suite duquel on va les amener à concevoir le prototype d’un produit et à le lancer sur le marché. » Enfin, troisième objectif, ces 10 startups vont être connectées avec des entreprises et des partenaires institutionnels d’Impact Lab susceptibles d’être intéressés par leur solution.
En parallèle, l’idée est d’encourager la coopération sud-sud dans le secteur, un élément inscrit dans l’ADN d’Impact Lab. « Sur les dernières années, nous avons accompagné 175 startups de 17 pays différents en Afrique et nous sommes vraiment dans un ancrage régional, souligne Salma KABBAJ. Parce que nous sommes convaincus que l’innovation doit se traiter à l’échelle régionale. Que ce soit pour les startups qui doivent aller sur des marchés régionaux ou les entreprises qui doivent aller chercher les solutions les plus pertinentes à l’échelle régionale. Impact Lab a développé des activités dans ce sens, en ce moment par exemple nous collaborons avec un accélérateur basé au Ghana sur un programme FinTech. » Et d’ajouter : « On pense que de plus en plus d’opportunités de synergies existent entre les différents marchés en Afrique, notamment dans l’AgriTech, parce que nos problématiques sont communes, notamment l’amélioration de la productivité, la gestion des ressources, l’amélioration de la chaîne de valeur et la désintermédiation de cette chaîne de valeur… Des sujets communs à de nombreux exploitants agricoles en Afrique. Il y a de bonnes pratiques à échanger entre les startups et les entreprises agro-industrielles du continent. »
Collecter et analyser de la donnée pour prendre de meilleur décision, c’est le principal impact de la tech dans l’agro-industrie.
Convaincu que dans l’AgriTech repose l’avenir de l’agro-industrie au Maroc, et plus largement en Afrique, pour la directrice d’Impact Lab, initier et doter les acteurs du secteur aux dernières technologies en vigueur dans le secteur, est fondamental. « La technologie est venue révolutionner le secteur agro- industriel ces dernières années à l’échelle internationale. Collecter et analyser de la donnée pour prendre de meilleures décisions, c’est le principal impact de la tech dans l’agro-industrie. Aujourd’hui on a des capteurs, de l’imagerie satellite, des drones, qui permettent de prendre des données sur le climat, les maladies qui peuvent affecter les récoltes, etc. Des données qui sont analysées en temps réel et permettent aux agriculteurs de prendre la meilleure décision, au bon moment. Quand planter, quand irriguer, quand traiter… D’autres usages apparaissent également comme les robots qui remplacent des activités manuelles, la taille ou la récolte par exemple, de manière plus efficace. La blockchain qui vient sécuriser les échanges entre les différentes parties prenantes sur toute la chaîne de valeur. Un élément très important qui permet une plus grande transparence et garantit au petit agriculteur des gains adaptés à son activité. Des éléments fondamentaux qui vont faire que le secteur agro-industriel va intégrer les nouvelles technologies comme la nouvelle norme » conclut la co-fondatrice et Directrice Générale d'Impact Lab.
Un processus plus qu’entamé sur le continent où 80% des exploitations agricoles sont de petites tailles et où le développement de l’AgriTech se révèle être un levier clé pour réduire l’insécurité alimentaire. Et les investisseurs ne s’y sont pas trompés : selon le dernier rapport de Partech, sur les cinq secteurs les plus attractifs, derrière la FinTech (356 millions dollars), arrive l’AgriTech (179 millions de dollars). De quoi semer les germes d’une agriculture 4.0 en Afrique…