Ils sont des serials entrepreneurs et des capitaines d'industrie africains qui croient dur comme fer à la résilience du continent africain. Ils font certes des affaires, mais surtout créent des ponts entre l'Europe et l'Afrique, entre le Canada et l'Afrique. Ils font partie de cette diaspora qui offre des leviers de croissance, qui conseille, mentore et accompagne les femmes et les jeunes du continent. Et participent désormais de manière concrète au développement du continent : les envois d'argent des migrants africains à leurs familles dépassent en montants ceux de l'aide au développement et des investissements des entreprises étrangères. Avec un chiffre record enregistré en 2019 : 554 milliards de dollars de transferts d'argent vers les pays à revenu faible et intermédiaire, la diaspora apparaît ainsi comme un acteur majeur du développement des pays d'origine. Mais alors que ces fonds servent avant tout à répondre à des besoins d'ordre primaire (consommation, loyer, éducation, santé), pour les fils et les filles du continent, désormais le défi est d’agir, de manière plus durable, dans le développement, à travers l'entrepreneuriat numérique.
« Des sessions de mentorats, mais également, pour les plus prometteurs, une mise en relation avec des personnes qui ont de l'expérience dans leurs domaines »
Parmi ces dignes fils d'Afrique qui ont émigré, mais qui restent connectés aux sources, Rodrigue FOUAFOU. Très souvent appelé, M. Africa, parce que considéré comme l'Africain le plus connecté, c'est un passionné de la technologie avec une grande expérience dans l'incubation, l'investissement, l'accélération de nouvelles entreprises ainsi que le mentorat. Né au Cameroun avant de s'installer au Canada, il est à l’origine d'HartNamtemah, Inc., startup de conseil et d'investissement basée à Toronto, au Canada, qu'il a co-fondée pour se spécialiser dans le mentorat et le financement de startups africaines. Il travaille avec des investisseurs intéressés par le financement d'entreprises commerciales en Afrique. Entre autres bénéficiaires, des entreprises à succès telles que Kasi Insights, Kiroo Games, Njorku…
Désormais établi à Kigali, Rodrigue FOUAFOU a fondé Wouessi, une plateforme qui réunit les jeunes concepteurs africains des technologies de demain. « Quand j'identifie des entrepreneurs en herbe, je les connecte avec des personnes de mon réseau en fonction de leurs besoins et leurs intérêts. Cela se traduit souvent à travers des sessions de mentorats, mais également par une mise en relation avec des personnes, les internationaux, ceux de la diaspora, et les entrepreneurs sur le continent qui ont réussi et qui ont de l'expérience dans leurs domaines et vont pouvoir les accompagner dans le développement de leur projet. » Si le Networking qui s'opère ici et là, autour d'initiatives pour matcher entrepreneurs, investisseurs et institutionnels, a des effets positifs, nuance Rodrigue FOUAFOU, reste à augmenter l'adoption à grande échelle des solutions proposées et les conventions de partenariat pour un plus grand impact.
« Nous disposons en nous, nous la diaspora, de toutes les ressources nécessaires pour résoudre nos problèmes, les problèmes de l'Afrique »
Autre exemple, celui de Gilles Komi MAGLO, fondateur et CEO de MES & DAK Corporation, togolais d'origine, installé en Allemagne. « Nous disposons en nous, nous la diaspora, de toutes les ressources nécessaires pour résoudre les problèmes de l'Afrique ». Quid de l'impact de leurs actions ? Pour cet entrepreneur expérimenté, développeur d'entreprises autonomes et de surcroît passionné par le développement du secteur MPME en Afrique et la construction de ponts entre l'Afrique et l'Allemagne, qui a conçu la plateforme de mise en relation M'Network, les résultats se mesurent au quotidien. Son approche : privilégier le matching, offrant un cadre pour du B2B, B2C, laissant le privilège à l'entreprise de choisir les contacts avec qui elle a la meilleure option dans son développement.
« Une relation commerciale africaine-européenne accrue en mettant l'accent sur la technologie en tant que principal moteur de l'intégration »
En Allemagne également, une autre plateforme s'est imposée, au fil des éditions, comme un RDV incontournable entre les entrepreneurs techs européens, de la diaspora mais pas seulement, et les porteurs de projets sur le continent. Afrolynk, fondée par Moses ACQUAH en 2016, mais opérationnelle depuis 2018, soutient et rassemble des entrepreneurs, des startups, des organisations d'investisseurs de l'écosystème technologique et entrepreneurial de l'UE en Afrique. « Afrolynk promeut une relation commerciale africaine-européenne accrue en mettant l'accent sur la technologie en tant que principal moteur de l'intégration, souligne son instigateur. C'est un échange de bonnes pratiques, des investissements de fonds, des formations… les startups africaines commencent à être de plus en plus attractives auprès des investisseurs internationaux. » Mais, observe ce dernier, pour un plus grand impact, les jeunes entrepreneurs du continent doivent être accompagnés dans la structuration et le développement de leur solution. C'est là que les diasporas ont un rôle à jouer et c'est précisément la vocation d'Afrolynk d'être un catalyseur des bonnes pratiques en la matière. L'entreprise sociale, présente dans 8 pays africains - Ghana, Kenya, Nigéria, Afrique du Sud, Tunisie, Ouganda, Zambie et Zimbabwe - a formé plus de 3500 jeunes hommes et femmes, à travers l'Afrique, et a facilité la création de plus de 300 emplois depuis mai 2019.
Les diasporas, socle du renouvellement des relations entre la France et l'Afrique et au delà, entre l'Afrique et l'Europe, « un impératif pour faire face aux géants américains et asiatiques du digital »
De plus en plus, en marge de ces initiatives portées par les entrepreneurs eux-mêmes, les institutions, collectivités locales, bailleurs de fonds s'associent au mouvement et misent également sur les diasporas et l'entreprenariat numérique. Un des pionniers, Pierre De Gaétan NJIKAM, Franco-Camerounais, avocat de formation, ex- adjoint en charge des partenariats avec l'Afrique et la Francophonie à la ville de Bordeaux, parmi les premiers à « connecter » les initiatives en France et en Afrique, à travers les Journées nationales des Diasporas (JNDA), dont la 8ème édition se tenait en septembre dernier à Bordeaux. Parmi les temps forts de la rencontre, les Numafs, rencontres numériques Bordeaux Afrique, où des « talents » de la diaspora viennent, chaque année, présenter leur solution. Transformer les transferts de fonds en tickets de santé, créer des plateformes d'e-learning en ligne, promouvoir le Made in Africa, à travers des Market Place en ligne… Autant de champs d'action dans lesquels évoluent les entrepreneurs de la diaspora, perçus par Pierre de Gaëtan NJIKAM comme « le socle de renouvellement des relations » entre la France et l'Afrique et au-delà, entre l'Europe et l'Afrique, mais aussi comme « un impératif pour faire face aux géants américains et asiatiques du digital », ainsi que le soulignera le Mister Africa Tech Samir ABDELKRIM, Fondateur d'EMERGING Valley… lui-même de la diaspora.