Selon le rapport 2019 sur le financement des startups technologiques africaines, publié par Disrupt Africa, 311 startups du continent ont levé un total de 491 623 400 $ US en 2019, en hausse de 46,7% par rapport à 2018. Cette année-là, quelques 48 startups égyptiennes ont totalisé 28,3% des investissements, plus que tout autre pays du continent.
Pour la première moitié de 2020, l'Égypte se classe au premier rang, en termes du nombre d'opérations d'investissement de démarrage dans la région MOAN (Moyen-Orient et Afrique du Nord ou MENA en anglais) et au deuxième rang pour la taille de ces investissements, d’après le rapport d'investissement de Magnitt. De plus, il ressort du rapport que l'écosystème des startups égyptiennes figure dans le top 50 des écosystèmes mondiaux, tandis que le Caire se positionne, en 2020, parmi les 10 meilleurs écosystèmes mondiaux abordables pour les talents.
« Les entrepreneurs égyptiens se sont attaqués à d'importants problèmes restés longtemps non résolus, tels que la mobilité, la distribution et les services financiers… via des nouvelles solutions numériques »
Un écosystème qui a bénéficié de l'amélioration de la situation macroéconomique et des fondamentaux comme une population nombreuse (pays arabe le plus peuplé avec 98,42 millions d’habitants en 2018) et une base de consommateurs mal desservie. « Les entrepreneurs égyptiens se sont attaqués à d'importants problèmes restés longtemps non résolus, tels que la mobilité, la distribution et les services financiers… via des nouvelles solutions numériques », souligne Tarek ASSAAD, directeur-associé d'Algebra Ventures, société de capital-risque basée au Caire.
Prenant l’exemple de la fintech, Tarek ASSAAD souligne ainsi que la Banque Centrale a pris des mesures sans précédent pour travailler avec les startups, ce qui a encouragé de nombreux entrepreneurs à s'attaquer à cette niche. Dans les autres secteurs, le capital-risque n’a pas hésité à prendre des parts dans les entreprises, lors d’IPO. Rappelons, l’entrée en Bourse de la société de technologie financière Fawry, devenue la première société égyptienne financée par du capital-risque, mais aussi les levées de fonds de Swvl, start-up de transport, pour 42 millions $ US, ou encore de la plate-forme publicitaire Adzily et MaxAB (e-commerce)…
Gemini Africa, Flat6Labs, Misk 500, Startupbootcamp, ICEALEX... La multiplication des incubateurs
Aussi, les jeunes pousses, au stade Seed, Seed +, ou MVP (Minimal Viable Product), sont mentorées, accompagnées ou soutenues par des accélérateurs, des incubateurs, tels que Gemini Africa, Flat6Labs, Misk 500, Startupbootcamp, ICEALEX… Ce dernier, dirigé par Ahmad BASTAWY, se positionne comme un espace d'innovation technologique axé sur la communauté avec un fort engagement social et environnemental. L'approche principale des activités de ICE à Alexandrie est de fournir un écosystème propice aux esprits orientés vers l'action, créant conjointement des solutions durables aux défis locaux.
De son côté, Algebra Ventures a doublé le rythme de ses investissements, soutenant des entreprises qui ont le potentiel de servir une large base de consommateurs et de gagner rapidement des parts de marché. Sur un autre registre, Gemini Africa vient de mettre en place e-Hub Gemini Africa qui pilote la Gemini Startups Uplift. « Nous devons lutter contre les difficultés commerciales les plus pressantes pour assurer la continuité opérationnelle et la durabilité financière des startups », explique Adly THOMA. « Notre e-Hub Gemini Africa est la réponse ! Il comprend non seulement une communauté toujours croissante de startups et d'entrepreneurs se soutenant mutuellement, mais également un vaste réseau de partenariats d'acteurs clés de l'écosystème pour fournir un portefeuille large et diversifié de services et de soutien. », nous a-t-il confié.
Taille du marché et carrefour technologique
La taille et le potentiel du marché égyptien constitue un autre argument non négligeable du Hub Tech égyptien. À en croire, Ahmed ASHOOR, président d'Adzily, l'Égypte est un « marché très prometteur » avec une forte croissance démographique et un nombre important de PME. À cela s'ajoute, cette volonté politique de faire du pays un carrefour de valeurs technologiques et innovantes. Pour preuve, l'organisation du Egypt's World Youth Forum (WYF ou Forum mondial de la jeunesse), une rencontre mondiale annuelle qui se tient à Charm el-Cheikh dans le sud du Sinaï, depuis 2017, offrant aux jeunes l'opportunité d'échanger avec les principaux décideurs politiques et économiques et de réseauter avec des personnalités influentes, y compris des chefs d'État. Une manifestation qui a confirmé le statut de hub technologique du pays.
Plus récemment, le Ministère égyptien des Communications et sa filiale ITIDA ont décidé d'investir massivement dans le développement des compétences de la jeunesse égyptienne, avec pour objectif de former 115 000 talents pour un coût total de 400 millions EGP. Cette agence a aussi soutenu et fourni des fonds, du mentorat, des informations commerciales, des services de conseil et des opportunités de promotion à 175 startups, incubée 18 startups et a réussi à en sortir 12 d'entre elles, via sa filiale le Centre d'innovation technologique et d'entrepreneuriat. « La pandémie de coronavirus a agi comme un catalyseur de la croissance dans le secteur des technologies de l'information (IT), car elle a installé et favorisé l'innovation technologique, exhortant la montée en puissance de nombreuses entreprises entrepreneuriales et des solutions innovantes pour contrer la pandémie, conduisant par ailleurs à la naissance de nouvelles startups, avec un taux de réussite sans précédent », observe Amr MAHFOUZ, PDG ITIDA. « La crise a représenté un véritable test pour l'état de préparation du réseau et la continuité des activités en Égypte, révélant la résilience du pays, comme cela a été largement reconnu par de nombreuses institutions internationales et présenté dans de nombreux rapports », a ajouté Amr MAHFOUZ.
De plus, ITIDA s'est engagé avec enthousiasme dans la création et la diffusion de centres d'innovation numérique en Égypte, avec un investissement estimé à 300 millions de livres égyptiennes, où il a déjà commencé à fournir des services de formation et de soutien aux entrepreneurs et aux startups dans cinq gouvernorats d'Égypte. De surcroît, des séances de sensibilisation et des formations à plus de 1 300 hauts fonctionnaires sur les bases de l'innovation et du design thinking ont été assurées par cette agence.
L’Afrique subsaharienne en ligne de mire
Proches de leurs homologues du reste du continent, ils ne manquent pas de nouer des partenariats. Des responsables égyptiens ont participé à la 7eme édition du HUB AFRICA, organisée au mois de juin 2019 à Casablanca. Des conventions ont été alors signées. Les uns recrutent du talent dans les zones des autres et vice-versa. À titre d’exemple, E-Hub Africa Gemini envisage dès cette année de sélectionner des startups en Afrique francophone. De plus, le succès de sociétés telles que Swvl, qui s'est étendue au Kenya, et la société de technologie financière Fawry, qui est devenue la première société égyptienne financée par du capital-risque à entrer en Bourse, donne aux investisseurs plus de confiance dans le fait que les startups égyptiennes peuvent offrir le potentiel du marché du pays.
Un arsenal juridique qui fait encore défaut
En dépit de tous ces atouts, le HUB Tech égyptien n'en présente pas moins des faiblesses. Conscients des défis qui subsistent des responsables égyptiens avouent qu'il y a encore du chemin à faire pour garantir aux startups égyptiennes l'accès aux capitaux nécessaires. De leur avis, il existe encore des lacunes importantes, notamment dans le financement de démarrage - de 100 000 à 500 000 USD - et le financement à un stade ultérieur, supérieur à 10 millions de USD… Sur le plan légal, il manque encore tout un arsenal juridique, l'intégration des talents de calibre approprié au bon stade et l'accès aux fonds locaux qui peuvent stimuler davantage l'ensemble de l'écosystème.