"Le plein potentiel de l'entrepreneuriat est souvent inexploité, expliquait en 2016 Jean-Michel SEVERINO et Jérémy HAJDENBERG dans leur ouvrage Entreprenante Afrique. Cela est dû à l'existence de nombreuses contraintes qui entravent le développement du secteur privé, parmi lesquelles des politiques et des cadres législatifs défavorables, un manque d'infrastructures, de service d'aide au développement, des accès limités aux financements, à des savoir-faire…"
Pour mettre un terme à ces blocages, le gouvernement Rwandais a fait appel à la fondation i4Policy pour rédiger un cadre législatif favorable à l'entrepreneuriat. La fondation s'appuie sur l'historique de l'évolution des cadres juridiques un peu partout en Afrique depuis les années 80 et le Ghana qui développe alors ses premières lois pour aider ses PME. Il sera suivi par une vingtaine de pays, jusqu'à ce que la Tunisie, en 2018, lance le premier cadre législatif spécialement dédié aux start-up, suivi à son tour par le Mali et le Sénégal.
Alors, à quoi s'attendre au Rwanda ?
Pour la fondation i4Policy, il y a sept domaines de réforme politique pour soutenir les écosystèmes de démarrage :
- la gouvernance (obtention de permis, faillite, propriété intellectuelle, exécution des contrats…),
- le financement (de pré-amorçage, bancaire, à risque),
- les infrastructures,
- les marchés,
- le soutien (à la croissance, opérationnel, R&D),
- le capital humain (formation, marché du travail)
- et la culture (mise en réseau, développement personnel).
Et le nouveau cadre de loi espéré par le gouvernement rwandais devrait couvrir tous ces domaines. Un travail titanesque mais nécessaire, à l'image du startups Act sénégalais qui a conduit à réformer l’ensemble de la législation portant sur la fiscalité des entreprises. Car l'objectif est de créer un ensemble cohérent, entre institutions et acteurs, politiques et privés. "Souvent les gouvernements […] sont confrontés à des mesures désordonnées et sans coordination, administrées par des acteurs différents du monde entrepreneurial", explique la fondation dans un rapport d'analyse des législations en cours sur le continent. La fondation accorde également beaucoup d'importance à la participation, dans la rédaction de ces lois, des entrepreneurs eux-mêmes, en plus des politiques, d'abord pour présenter une vision réelle de la situation et ainsi mieux cibler les actions, mais aussi pour renforcer le dialogue et la confiance entre secteurs public et privé. Malgré tout, la fondation est consciente que "les politiques publiques ne peuvent pas toujours résoudre à elles seules les problèmes liés à l’entrepreneuriat".
Des idées pour les autres pays
Ces cadres juridiques se présentent comme un véritable atout. Et la réussite tunisienne, notamment, fait des envieux. L'Algérie a annoncé en début d'année la création d'un cadre juridique spécifique pour les start-up et un financement de 10 millions d'euros pour les "champions algériens capables de conquérir d’autres marchés en Afrique et ailleurs". Pour ne pas rater le train de l'innovation, le Ghana, la Côte d’Ivoire et la RDC devraient eux aussi se doter d'une telle législation dans les prochains mois. En revanche, les "poids lourds" du secteur en Afrique ne s'y intéressent pas beaucoup. L'Afrique du Sud, le Kenya ou le Nigéria possèdent déjà de nombreux outils en faveur de l'innovation, et des outils qui fonctionnent. Ainsi, et même si de nombreux acteurs dans ces trois pays appellent à la création de startups Act, leur gouvernement ne semblent pas enclins à chambouler leur législation pour des résultats qui pourrait ne pas être à la hauteur de l'engagement.